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LE RÉGIME MODERNE


grosses boîtes de pierre dressées et isolées dans chaque grande ville, ces lycées aménagés pour trois cents, quatre cents et jusqu’à huit cents pensionnaires, dortoirs et réfectoires immenses, cours de récréation fourmillantes, salles d’étude et de classe encombrées, et, pendant huit ou dix ans, pour la moitié de nos enfants et adolescents, un régime à part, antisocial et antinaturel, la clôture exacte, nulle sortie, sauf pour marcher deux à deux en file sous les yeux du sous-maître qui maintient l’ordre dans les rangs, la promiscuité et la vie en commun, la régularité minutieuse et stricte, sous une discipline égalitaire et sous une contrainte incessante, pour manger, dormir, étudier, jouer, se promener, et le reste, bref le communisme.

De l’Université, ce régime s’est propagé chez ses rivales. Aussi bien, c’est elle qui, conférant les grades et faisant passer les examens, dresse et surcharge tous les programmes scolaires : par suite, elle provoque chez autrui ce qu’elle pratique chez elle, l’entraînement de la jeunesse, l’éducation factice dans une serre close et surchauffée. D’autre part, l’internat est, pour les entrepreneurs, moins onéreux que l’externat[1], et, dans toute maison, plus les pensionnaires sont nombreux, plus les frais généraux se réduisent ; ainsi, pour subsister en face des établissements universitaires, il faut des internats,

  1. Boissier (Revue des Deux Mondes, numéro du 15 août 1860, 919) : « Les lycées d’externes coûtent et les lycées d’internes rapportent. »