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L’ÉCOLE


et des internats très peuplés. À cela les établissements ecclésiastiques se résignent volontiers ; même ils y sont enclins : ce sont les jésuites qui les premiers, sous l’ancienne monarchie, ont introduit les pensionnats très fermés et très remplis. Par essence, l’Église catholique est, comme l’État français, une institution romaine, encore plus exclusive et plus gouvernante, résolue à saisir, tenir, régir et régenter tout l’homme, et, au préalable, tout l’enfant, tête et cœur, opinions et impressions, afin d’imprimer en lui à demeure la forme définitive et salutaire, qui est pour lui la première condition du salut. En conséquence, dans la cage ecclésiastique, la clôture est encore plus stricte que dans la cage laïque : si les barreaux y sont moins gros et moins rudes, le grillage, plus souple et plus fin, est plus enveloppant, plus serré et mieux entretenu ; on ne souffre pas qu’il s’y fasse des trous, ni que des mailles s’y relâchent ; contre les interventions du monde et de la famille, contre les écarts et les sursauts de l’initiative individuelle, les précautions sont innombrables et font un réseau double ou même triple. Car à la discipline scolaire s’ajoute la discipline religieuse, non moins imposée, aussi rigide et plus continue, exercices quotidiens de piété, pratiques ordinaires et cérémonies extraordinaires, direction spirituelle, influence du confessionnal, exemple et tenue de tout un personnel rallié autour de la même œuvre par la même foi. Plus un milieu est fermé, plus son action est forte : les chances sont pour que celle-ci soit décisive sur l’enfant séquestré, abrité, élevé sous cloche, pour