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L’ÉGLISE


« et que mon empire confine à l’Orient. » Dans cette conception que l’histoire lointaine fournit à son ambition illimitée, le terrible antiquaire trouve le cadre gigantesque et commode, les mots puissants et spécieux et toutes les raisons verbales dont il a besoin. Sous Napoléon, successeur de Charlemagne, le pape ne peut être qu’un vassal : « Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j’en suis l’empereur », le suzerain légitime. Pourvu « de fiefs et comtés » par ce suzerain, le pape lui doit en retour la fidélité politique et l’assistance militaire ; s’il y manque, la donation, qui est conditionnelle, devient caduque, et ses États confisqués rentrent dans le domaine impérial, auquel ils n’ont jamais cessé d’appartenir[1]. Par ce raisonnement et cette menace, par la pression morale et physique la plus rude et la plus habile, la plus pénétrante et la plus continue, par la spoliation commencée, poursuivie et achevée, par l’enlèvement, la captivité et la séquestration du saint-père lui-même, il entreprend de s’assujettir la puissance spirituelle : non seulement le pape sera dans l’empire un particulier comme un autre[2], soumis par sa résidence à la loi du territoire, par suite au gouvernement

  1. Décret du 17 mai 1809. « Considérant que, lorsque Charlemagne, empereur des Français et notre auguste prédécesseur, fit donation de plusieurs comtés aux évêques de Rome, il ne les donna qu’à titre de fiefs et pour le bien de ses États, et que par cette donation Rome ne cessa pas de faire partie de son empire,… les États du pape sont réunis à l’empire français. »
  2. Sénatus-consulte du 17 février 1810, titre II, article XII. — « Toute souveraineté étrangère est incompatible avec l’exercice de toute autorité spirituelle dans l’intérieur de l’empire. »


  le régime moderne, III.
T. XI. — 2