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LE RÉGIME MODERNE


toutes les autorités spirituelles de son empire. Il assemble en concile les quatre-vingts prélats disponibles de l’Italie et de la France, il se charge de les discipliner, il les fait marcher ; par quel emploi de toutes les influences, il faudrait un volume pour le dire[1] : arguments théologiques et canoniques, appel aux souvenirs gallicans et aux rancunes jansénistes, éloquence et sophismes, manœuvres préparatoires, intrigues à huis clos, scènes publiques, sollicitations privées, intimidation croissante, rigueurs effectives, treize cardinaux exilés et dépouillés de leurs insignes, deux autres cardinaux détenus à Vincennes, dix-neuf évêques d’Italie transférés en France sous escorte, sans pain et sans habits, cinquante prêtres de Parme, cinquante prêtres de Plaisance, et cent autres prêtres italiens expédiés et internés en Corse, toutes les congrégations d’hommes en France, Saint-Lazare, Mission, Doctrine chrétienne, Saint-Sulpice, dissoutes et supprimées, trois évêques du concile saisis dans leur lit au petit jour, mis au cachot et au secret, forcés de donner leur démission et de promettre par écrit qu’ils n’entretiendront aucune correspondance avec leurs diocèses ; arrestation de leurs adhérents dans leurs diocèses, les séminaristes de Gand convertis en soldats, et, sac au dos, partant pour l’armée, des professeurs de Gand, les chanoines de Tournay et d’autres prêtres belges enfermés dans les châteaux de Bouillon, Ham et Pierre-Châtel[2] ;

  1. Comte d’Haussonville, tomes III, IV et V, passim.
  2. Souvenirs inédits du chancelier Pasquier, IV, 358.