Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
LE RÉGIME MODERNE


opère de même, avec autant d’habileté et de rudesse. Comme pour sa campagne de Russie, il s’est préparé de longue main. Au commencement, c’était une alliance, et il a concédé au pape, comme au tsar, de grands avantages qui leur resteront après sa chute ; mais il ne les a concédés qu’avec une pensée de derrière, avec le besoin instinctif et le dessein prémédité d’exploiter l’alliance conclue, jusqu’à faire du souverain indépendant, en qui il reconnaît un égal, son subordonné et son instrument ; de là, brouille et guerre. Cette fois aussi, dans l’expédition contre le pape, sa stratégie est admirable : tout le terrain ecclésiastique étudié d’avance, l’objectif choisi[1], toutes les forces disponibles utilisées et dirigées par étapes vers le point central de convergence où la victoire sera décisive, d’où la conquête pourra s’étendre et où la domination définitive viendra s’asseoir ; l’emploi successif et simultané de tous les moyens, la ruse et la violence, la séduction et la terreur ; le calcul de la lassitude, des anxiétés et du désespoir dans l’adversaire ; d’abord la menace, le grondement prolongé, puis l’éclair subit et les coups multipliés de la foudre, toutes les brutalités de la force : les États Pontificaux envahis en pleine paix, Rome militairement occupée par surprise ;

  1. Pour un lecteur ordinaire, même catholique, s’il n’est pas versé dans le droit canon, les exigences de Napoléon paraissent médiocres et même acceptables : elles se réduisent à fixer un délai et semblent n’ajouter qu’à la compétence des conciles, à l’autorité des évêques. (Comte d’Haussonville, IV, 366, séance du concile, 5 août 1811, propositions adoptées et décret. — Cf, le Concordat de Fontainebleau, 25 janvier 1813, article 4.)