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L’ANCIEN RÉGIME


ceux des peuples anciens ou lointains. Grecs, Romains, Égyptiens, Mahométans, Guèbres, adorateurs de Brahma, Chinois, simples idolâtres. En regard de la loi positive et de la pratique établie, on expose, avec des intentions visibles, les autres constitutions et les autres mœurs, despotisme, monarchie limitée, république, ici l’Église soumise à l’État, là-bas l’Église détachée de l’État, en tel pays des castes, dans tel autre la polygamie, et, de contrée à contrée, de siècle à siècle, la diversité, la contradiction, l’antagonisme des coutumes fondamentales qui, chacune chez elle, sont toutes également consacrées par la tradition et forment toutes légitimement le droit public. Dès ce moment, le charme est rompu. Les antiques institutions perdent leur prestige divin ; elles ne sont plus que des œuvres humaines, fruits du lieu et du moment, nées d’une convenance et d’une convention. Le scepticisme entre par toutes les brèches. À l’endroit du christianisme, il se change tout de suite en hostilité pure, en polémique prolongée et acharnée ; car, à titre de religion d’État, celui-ci occupe la place, censure la libre pensée, fait brûler les écrits, exile, emprisonne, ou inquiète les auteurs, et se trouve partout l’adversaire naturel et officiel. En outre, à titre de religion ascétique, il condamne, non seulement les mœurs gaies et relâchées que la nouvelle philosophie tolère, mais encore les penchants naturels qu’elle autorise et les promesses de bonheur terrestre qu’elle fait briller à tous les regards. Ainsi contre lui le cœur et l’esprit sont d’accord. — Les textes dans la main, Vol-