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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


« pose la question, et invitent les députés de leur parti à les suivre, ou leur crient de ne point délibérer : par cet abandon, les clubistes, devenus la majorité, décrètent tout ce qu’ils veulent ; » c’est ainsi que la nomination des juges et des évêques est retirée au roi et attribuée au peuple. Bien mieux, après le retour de Varennes, lorsque l’Assemblée, comprenant que son œuvre n’est pas viable, voudra la rendre moins démocratique, tout le côté droit refusera de prendre part aux délibérations, et, ce qui est pis, il votera avec les révolutionnaires, pour exclure les Constituants de la Législative. Ainsi, non seulement il s’abandonne, mais il se tue, et sa désertion finit par un suicide. — Reste un second parti, « le parti moyen[1], composé d’hommes de toute classe, ayant des intentions droites, et partisans sincères d’un bon gouvernement. Par malheur, ils ont pris dans les livres l’idée qu’ils s’en font, et sont des gens admirables sur le papier. Mais, comme, par un fâcheux accident, les hommes réels qui vivent dans le monde diffèrent beaucoup des hommes imaginaires qui habitent la cervelle des philosophes, on ne doit pas s’étonner si les systèmes politiques puisés dans un livre ne sont bons qu’à être reversés dans un autre livre ». De tels esprits sont la proie naturelle des utopistes ; faute de test expérimental, ils sont emportés par la pure logique et vont grossir le troupeau des théoriciens. — Ceux-ci font le troisième parti, qu’on nomme

  1. Morris, 24 janvier 1790. — Selon Ferrières, ce parti comprend environ trois cents membres.