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LA RÉVOLUTION


insiste, précise, explique par des exemples et par des instructions détaillées la procédure et les conditions du rachat. Ni cette procédure ni ces conditions ne sont pratiques. Elle n’a rien institué pour faciliter l’accord des parties et le remboursement de la créance féodale, ni arbitres spéciaux, ni banque d’emprunt, ni système d’annuités. Bien pis, au lieu de frayer la route, elle l’a barrée par des dispositions de légiste. Défense au censitaire de racheter sa redevance annuelle sans racheter en même temps sa redevance éventuelle. Défense au censitaire qui doit solidairement et avec d’autres de se racheter divisément et pour sa quote-part. Tant pis pour lui si son magot est trop petit. Faute de pouvoir se libérer du tout, il ne pourra se libérer de la partie. Faute d’argent pour s’exempter à la fois du champart et des lods, il ne pourra s’exempter du champart. Faute d’argent pour solder la dette de ses coobligés avec la sienne, il ne pourra solder la sienne, et il demeure captif dans sa condition ancienne en vertu de la loi nouvelle qui l’appelle à la liberté.

Devant ces entraves imprévues, le paysan devient furieux. Depuis les premiers jours de la Révolution, son idée fixe est qu’il ne doit plus rien, et, parmi tant de discours, décrets, proclamations, instructions dont la rumeur vient rouler jusqu’à ses oreilles, il n’a compris et voulu comprendre qu’une seule phrase, c’est qu’il a désormais quittance générale. Il n’en démord pas, et, puisque maintenant la loi le gêne au lieu de l’aider, il violera la loi. — De fait, à partir du 4 août 1789, la