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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/29

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L’ANARCHIE SPONTANÉE


siastiques, ni impôts royaux ou municipaux. Et, sur cette idée, de toutes parts, en mars, en avril et mai, l’émeute éclate. Les contemporains ne « savent que penser d’un tel fléau[1] ; ils ne comprennent rien à cette innombrable quantité de malfaiteurs qui, sans chefs apparents, semblent être d’intelligence pour se livrer partout aux mêmes excès, et précisément à l’instant où les États Généraux vont entrer en séance ». C’est que, sous le régime ancien, l’incendie couvait portes closes ; subitement la grande porte s’ouvre, l’air pénètre, et aussitôt la flamme jaillit.

III

Ce ne sont d’abord que des feux intermittents, isolés, que l’on éteint ou qui s’éteignent d’eux-mêmes ; mais, un instant après, au même endroit ou tout près de là, les pétillements recommencent, et leur multiplicité, comme leur répétition, montre l’énormité, la profondeur, l’échauffement de la matière combustible qui va faire explosion. Dans les quatre mois qui précèdent la prise de la Bastille, on peut compter plus de trois cents émeutes en France. Il y en a de mois en mois, et de semaine en semaine, en Poitou, Bretagne, Touraine, Orléanais, Normandie, Île-de-France, Picardie, Champagne, Alsace, Bourgogne, Nivernais, Auvergne, Languedoc, Provence. — Le 28 mai, le parlement de Rouen

  1. Montjoie, 1re partie, 102.