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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


qui, en 1789, avait nourri deux mille pauvres, ayant osé lire en chaire un mandement sur le carême, le maire le saisit au collet, l’empêche de monter à l’autel ; « deux hoquetons nationaux » lèvent le sabre sur lui, et, séance tenante, tête nue, sans pouvoir rentrer chez lui, il est expulsé à deux lieues, au son du tambour et sous escorte. À Paris, dans l’église Saint-Eustache, des vociférations accueillent le curé ; on lui porte un pistolet à la tête, il est saisi par les cheveux, reçoit un coup de poing, et il faut l’intervention des grenadiers pour qu’il arrive jusqu’à la sacristie. Dans l’église des Théatins, louée par les orthodoxes avec toutes les formalités légales, une bande furieuse disperse les prêtres et les assistants, renverse l’autel, profane les vases sacrés. Un placard affiché par le département rappelait le peuple au respect de la loi. « Je le vis, dit un témoin oculaire, déchirer avec outrage, au milieu d’imprécations contre le département, les prêtres et les dévots. Un harangueur en chef, placé sur les marches…, concluait qu’il fallait empêcher le schisme à tout prix, ne souffrir aucun autre culte que le sien, fouetter les femmes, assommer les prêtres. » Effectivement, « une jeune demoiselle conduite par sa mère, est fouettée sur les marches de l’église » ; ailleurs, ce sont des religieuses, même des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, et, à partir d’avril 1791, les mêmes attentats à la pudeur et à la vie se propagent de ville en ville. À Dijon, des verges sont clouées à la porte de tous les couvents ; à Montpellier, deux ou trois cents bandits, armés de gros bâtons ferrés,

  la révolution. i.
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