Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
LA RÉVOLUTION


qu’il n’a envie de conduire. — Sitôt que, dans une grande ville, un parlement refuse d’enregistrer les édits fiscaux, il trouve une émeute à son service. Le 7 juin 1788, à Grenoble, les tuiles pleuvent sur les soldats, et la force militaire est impuissante. À Rennes, pour venir à bout de la ville révoltée, il a fallu une armée, puis un camp en permanence, quatre régiments d’infanterie et deux de cavalerie sous le commandement d’un maréchal de France[1]. — L’année suivante, quand les parlements se tournent du côté des privilégiés, l’émeute recommence, mais cette fois contre les parlements. En février 1789, à Besançon et à Aix, les magistrats sont honnis, poursuivis dans la rue, assiégés dans leur palais, contraints de se cacher ou de prendre la fuite. — Si telles sont les dispositions dans les capitales de province, que doivent-elles être dans la capitale du royaume ? Pour commencer, au mois d’août 1788, après le renvoi de Brienne et de Lamoignon, la multitude, rassemblée sur la place Dauphine, s’érige en juge, brûle les deux ministres en effigie, disperse le guet, résiste aux troupes : on n’avait pas vu depuis un siècle une sédition aussi sanglante. Deux jours plus tard, l’émeute éclate une seconde fois ; le peuple s’ébranle pour aller mettre le feu aux hôtels des deux ministres et à l’hôtel du lieutenant de police Dubois. — Visiblement un ferment nouveau est entré dans la masse ignorante et grossière, et les idées nouvelles font leur effet. Il y a longtemps qu’elles ont filtré

  1. Arthur Young, 1er septembre 1788.