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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/74

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LA RÉVOLUTION


« militaires qu’ils rencontrent : Allons ! vive le Tiers-État ! et ils les entraînent au cabaret, où l’on boit à la santé des Communes. » — Des dragons disent à l’officier qui les mène à Versailles : « Nous vous obéissons, mais, quand nous serons arrivés, annoncez aux ministres que, si l’on nous commande la moindre violence contre nos concitoyens, le premier coup de feu sera pour vous. » — Aux Invalides, vingt hommes, commandés pour ôter les chiens et les baguettes aux fusils du magasin menacé, emploient six heures pour mettre vingt fusils hors d’usage : c’est qu’ils veulent les garder intacts pour le pillage et l’armement du peuple. — Bref, la plus grande partie de l’armée a tourné. Si bon que soit un chef, il suffit qu’il soit chef pour qu’on le traite en ennemi : le gouverneur, M. de Sombreuil, « à qui ces gens-là n’ont pas un reproche à faire », verra tout à l’heure ses canonniers diriger leurs canons contre son appartement, et manquera d’être pendu de leurs propres mains à la grille. — Ainsi la force qu’on amène pour réprimer l’émeute ne sert qu’à lui fournir des recrues. Bien pis, l’étalage des armes, sur lequel on comptait pour contenir la foule, fournit la provocation qui achève de la révolter.

VI

Le moment fatal est arrivé : ce n’est pas un gouvernement qui tombe pour faire place à un autre, c’est tout gouvernement qui cesse pour faire place au despotisme