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LA RÉVOLUTION


les dragons du prince de Lambesc, rangés sur la place Louis XV, trouvent à l’entrée des Tuileries une barricade de chaises, et sont accueillis par une pluie de pierres et de bouteilles[1]. Ailleurs, sur le boulevard, devant l’hôtel Montmorency, des gardes françaises, échappés de leurs casernes, font feu sur un détachement fidèle de Royal-Allemand. — De toutes parts, le tocsin sonne, les boutiques d’armuriers sont pillées, l’Hôtel de Ville est envahi ; quinze ou seize électeurs de bonne volonté qui s’y rencontrent décident que les districts seront convoqués et armés. — Le nouveau souverain s’est montré : c’est le peuple en armes et dans la rue.

Aussitôt la lie de la société monte à la surface. Dans la

  1. Procès du prince de Lambesc (Paris, 1790), avec les quatre-vingt-trois dépositions et la discussion des témoignages. — C’est la foule qui a commencé l’attaque ; les troupes ont tiré en l’air : un seul homme, le sieur Chauvel, a été blessé, et légèrement, par le prince de Lambesc. (Déposition de M. de Carboire, 84, et du capitaine de Reinach, 101.) « M. Le prince de Lambesc, monté sur un cheval gris, selle grise sans fontes ni pistolet, était à peine entré dans le jardin, qu’une douzaine de personnes sautèrent aux crins et à la bride de son cheval et tirent tous leurs efforts pour le démonter ; un petit homme, vêtu de gris, lui tira même de très près un coup de pistolet… Le prince fit tous ses efforts pour se dégager, et y parvint en faisant caracoler son cheval et en espadonnant avec son sabre, sans néanmoins, dans ce moment, avoir blessé personne. Lui déposant vit le prince donner un coup de plat de sabre sur la tête d’un homme qui s’efforçait de fermer le Pont Tournant, et qui par ce moyen, aurait fermé la retraite à sa troupe. La troupe ne fit que chercher à écarter la foule qui se jetait sur elle, tandis que du haut des terrasses, on l’assaillait à coups de pierres et même d’armes à feu. » — L’homme qui s’efforçait de fermer le pont avait saisi d’une main la bride du cheval du prince ; la blessure qu’il a reçue est une égratignure longue de vingt-trois lignes, qui a été pansée et guérie au moyen d’une compresse d’eau-de-vie. Tous les détails de