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L’ANARCHIE SPONTANÉE


nuit du 12 au 13 juillet[1], « toutes les barrières depuis le faubourg Saint-Antoine jusqu’au faubourg Saint-Honoré, outre celles des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Jacques, sont forcées et incendiées ». Il n’y a plus d’octroi, la ville demeure sans revenu, juste au moment où elle est obligée à des dépenses plus fortes ; mais peu importe à la populace, qui, avant tout, veut le vin à bon marché. « Des brigands, armés de piques et de bâtons, se portent partout en plusieurs divisions, pour livrer au pillage les maisons dont les maîtres sont regardés comme les ennemis du bien public. » — « Ils vont de porte en porte, criant : Des armes et du pain ! — Durant cette nuit effrayante, la bourgeoisie se tenait enfermée, chacun tremblant chez soi, pour soi et pour les siens. » — Le lendemain 13, la capitale semble livrée à la dernière plèbe et aux bandits. Une bande enfonce à coups de hache la porte des Lazaristes, brise la bibliothèque, les armoires, les tableaux, les fenêtres, le cabinet de physique, se précipite dans les caves, défonce les tonneaux et se soûle : vingt-quatre heures après, on y trouva une trentaine de morts et de mourants, noyés dans le vin, hommes et femmes, dont une enceinte de neuf mois. Devant la maison[2], la rue

    l’affaire prouvent que la patience, l’humanité des officiers, ont été extrêmes. Néanmoins, « le lendemain 13, un particulier affichait à la pointe du carrefour Bussy un placard manuscrit, portant invitation aux citoyens de se saisir du prince de Lambesc et de l’écarteler sur-le-champ ». (Déposition de M. Cosson, 114.)

  1. Bailly, 1, 356. — Marmontel, IV, 310.
  2. Montjoie, 3e partie, 86. « Je causai avec ceux qui gardaient le château des Tuileries ; ils n’étaient pas de Paris… Une