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LA RÉVOLUTION


son œuvre, M. de Lameth, M. Fréteau, M. Alquier, constatent devant elle que Lückner, Rochambeau et les généraux les plus populaires « ne répondent plus de rien ». Le régiment d’Auvergne a chassé ses officiers et forme une société particulière qui n’obéit à personne. Le second bataillon de Beaune est sur le point d’incendier Arras. On est presque obligé d’assiéger Phalsbourg, dont la garnison s’est mutinée. Ici, « la désobéissance aux ordres du général est formelle ». Là « ce sont des soldats qu’il faut prier instamment de rester en sentinelle, qu’on n’ose pas mettre à la chambre de discipline, qui menacent de faire feu sur leurs officiers, qui s’écartent de la route, pillent tout, et couchent en joue le caporal qui veut les ramener ». À Blois, une partie du régiment vient d’arriver sans hardes et sans armes, les soldats ayant tout vendu chemin faisant, pour fournir à leurs débauches ». Tel d’entre eux, délégué par ses camarades, propose aux Jacobins de Paris de « désaristocratiser » l’armée, en cassant tous les nobles. Tel autre, aux applaudissements du club, déclare que, « sur la manière dont sont faites les palissades de Givet, il va dénoncer le ministre de la guerre au tribunal du sixième arrondissement de Paris ».

Il est manifeste que, pour les officiers nobles, la place n’est plus tenable. Après vingt-trois mois de patience, beaucoup sont partis par conscience, lorsque l’Assemblée nationale, leur imposant un troisième serment, a effacé de sa formule le nom du roi, leur général-né[1]. — D’autres

  1. Maréchal Marmont, Mémoires, I, 24. « J’avais pour la per-