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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


Rhône, bouillonne par-dessus les barrières inutiles de la loi. — Le jour même de leur arrivée à Paris, 30 juillet, ils ont montré ce qu’ils savent faire[1]. Accueillis en grande pompe par les Jacobins et par Santerre, on les a amenés avec intention aux Champs-Élysées, dans un cabaret voisin du restaurant où les grenadiers des Filles-Saint-Thomas, banquiers, agents de change, hommes notables et connus par leur attachement à la Constitution monarchique, faisaient leur repas de corps annoncé depuis plusieurs jours. Devant leur restaurant, la populace qui a fait cortège au bataillon marseillais s’attroupe, crie, lance de la boue, puis des pierres ; les grenadiers tirent leurs sabres. Aussitôt, en face d’eux, un cri s’élève : « À nous les Marseillais ! » Ceux-ci, avec une agilité de Méridionaux, sautent par les fenêtres, escaladent les fossés, tombent à coups de sabre sur les grenadiers, en tuent un, en blessent quinze. — Nul début plus éclatant : enfin le parti possède des hommes d’action[2] ; il faut les tenir à portée. Des gens qui travaillent

  1. Buchez et Roux, XVI, 197 et suivantes. — Mortimer-Ternaux, II, 148. (Les grenadiers n’étaient que 166.) — Moniteur, XIII, 310, séance du 1er août. Adresse des grenadiers : « Ils jurent sur leur honneur n’avoir tiré leurs sabres qu’après un quart d’heure de menaces, d’insultes et d’humiliations, que pressés de défendre leurs vies contre une troupe de brigands armés de pistolets et quelques uns de carabines. » — « La Lecture de ce mémoire est souvent interrompue par les huées des tribunes, malgré les ordres de M. le président. » — Autres huées quand ils défilent.
  2. Le manque d’hommes d’action était le grand embarras du parti jacobin (Correspondance de Mirabeau et du comte de la Marck, II, 326). Lettre de M. de Montmorin, 13 juillet 1792, sur les dispositions du peuple de Paris, qui est las et fatigué à l’excès.


  la révolution. iii.
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