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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


les plus hautes places ; notamment celles de député et de ministre, aux hommes autorisés en qui réside le peu de sens politique que les Français ont pu acquérir depuis deux ans. — Au mois de juin 1791, même après avoir retranché les irréconciliables du côté droit, il restait encore dans l’Assemblée environ 700 membres qui, attachés à la Constitution, mais décidés à réprimer le désordre, pouvaient, s’ils eussent été réélus, fournir une législature raisonnable. À tous ceux-là, sauf au groupe imperceptible des révolutionnaires, la pratique a profité, et, dans les derniers temps de leur session, deux événements graves, la fuite du roi et l’émeute du Champ-de-Mars, leur ont montré les défauts de leur machine. Ayant en main pendant trois mois l’instrument exécutif, ils ont constaté qu’il est brisé, que tout croule, qu’ils sont eux-mêmes débordés par les fanatiques et la populace. Au-dessus, ils font effort pour enrayer ; plusieurs même songent à revenir en arrière[1]. Ils se séparent des Jacobins : des trois ou quatre cents députés inscrits sur le registre du club, il n’en reste que sept rue Saint-Honoré[2] ; les autres, aux Feuillants,

  1. Correspondance (manuscrite) de M. de Staël, ambassadeur de Suède, avec sa cour, 4 septembre 1791 : « Le changement qui s’est fait dans la manière de penser des démocrates est prodigieux ; ils paraissent maintenant convaincus de l’impossibilité de faire aller la Constitution. Je sais positivement que le sieur Barnave a dit qu’il fallait que les assemblées futures n’eussent que l’influence d’un conseil de notables, et que toute la force fût dans le gouvernement. »
  2. Ib. Lettre du 17 juillet 1791 : « Tous les membres de l’Assemblée, trois ou quatre exceptés, qui sont du club, ont pris un arrêté pour se séparer des Jacobins ; leur nombre est de