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LA RÉVOLUTION


tinés ou déportés par dizaines de mille, nous confisquons ses biens ; s’il est « reconnu ennemi de la Révolution[1] », et « tous les riches font des vœux pour la contre-révolution[2] », nous séquestrons ses biens, nous en percevons l’usufruit jusqu’à la paix, nous en aurons la propriété après la guerre ; usufruit et propriété, en tous ces cas l’État hérite ; c’est tout au plus si parfois nous accordons un secours momentané à la famille ; elle n’a pas même droit à des aliments.

Impossible de mieux déraciner les fortunes ; quant à celles que nous ne renversons pas d’un seul coup, nous les abattons par morceaux, et, contre elles, nous avons deux haches. — D’un côté, nous décrétons en principe l’impôt progressif, et, sur cette base, nous établissons l’emprunt forcé[3] : nous séparons, dans le revenu, le nécessaire de l’excédent ; nous limitons le nécessaire à un millier de francs par tête ; selon que l’excédent est

  1. Buchez et Roux, XXXI, 311 (Rapport de Saint-Just, 26 février 1794, et décret conforme, adopté à l’unanimité, notamment article 2). — Moniteur, 12 ventôse an II (séance des Jacobins, discours de Collot d’Herbois). « La Convention a dit qu’il fallait que les détenus prouvassent qu’ils avaient été patriotes depuis le 1er mai 1789. Lorsque les patriotes et les ennemis de la Révolution seront parfaitement connus, alors les propriétés des premiers seront inviolables et sacrées, et celles des derniers seront confisquées au profit de la République. »
  2. Ib., XXVI, 455 (séance des Jacobins, 10 mai 1793, discours de Robespierre). — Ib., XXXI (Rapport de Saint-Just. 26 février 1794). « Celui qui s’est montré l’ennemi de son pays n’y peut être propriétaire. Celui-là seul a des droits dans notre patrie qui a contribué à l’affranchir. »
  3. Ib., XXXI, 93 et 130 (Discours de Robespierre sur la propriété, et Déclaration des Droits adoptée par la Société des Jacobins). — Décret du 3 septembre 1793 (articles 13 et 14).