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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/253

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LES GOUVERNANTS


des intérêts, respect des situations acquises, danger de trop entreprendre à la fois, nécessité de ne pas désorganiser les services et de laisser du jeu aux passions humaines, motifs d’utilité et d’opportunité : il est le champion intransigeant du droit[1]. « Seul, ou presque seul, je ne me laisse pas corrompre ; seul, ou presque seul, je ne transige pas avec la justice ; et ces deux mérites supérieurs, je les possède tous les deux ensemble au suprême degré. Quelques autres ont peut-être des mœurs mais ils combattent ou trahissent les principes ; quelques autres professent de bouche les principes, mais ils n’ont pas de mœurs. Nul, avec des mœurs, aussi pures, n’est aussi fidèle aux principes ; nul ne joint un culte si rigide de la vérité à une pratique si exacte de la vertu ; je suis l’unique. » — Quoi de plus doux que ce monologue silencieux ? Dès le premier jour, on l’entend en sourdine, dans les adresses de Robespierre au tiers état d’Arras[2] ; au dernier jour, on l’entend à pleine voix

  1. Cf. ses principaux discours à la Constituante : contre la loi martiale, contre le veto, même suspensif ; contre la qualification du marc d’argent, et pour le suffrage universel ; pour admettre dans la garde nationale les citoyens non actifs ; pour marier les prêtres ; pour abolir la peine de mort ; pour accorder les droits politiques aux hommes de couleur ; pour interdire au père la faculté d’avantager un de ses enfants ; pour faire déclarer les Constituants inéligibles à la Législative, etc. — Sur la royauté : « Le roi n’est pas le représentant, mais le commis de la nation. » — Sur le danger des droits politiques accordés aux hommes de couleur : « Périssent les colonies, s’il doit vous en coûter votre honneur, votre gloire et votre liberté ! »
  2. Hamel, 1, 76, 77 (mars 1789) : « J’ai un cœur droit, une âme ferme, je n’ai jamais su plier sous le joug de la bassesse et de la