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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/47

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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


blicaine ; ils ne rencontrent partout qu’une approbation molle et des vœux spéculatifs.

Reste, pour les soutenir, l’élite du parti républicain, lettrés ou demi-lettrés, raisonneurs honnêtes et de bonne foi, qui, pénétrés des dogmes en vogue, ont pris le catéchisme philosophique à la lettre et au sérieux. Juges élus, administrateurs de département, de district et de municipalité, commandants et officiers de la garde nationale, présidents et secrétaires des sections, ils occupent presque toutes les places qui confèrent l’autorité locale, et c’est pourquoi leur protestation, presque unanime, a semblé d’abord la voix de la France. En fait, elle n’est que le cri désespéré d’un état-major sans armée. Nommés sous la pression électorale que l’on sait, ils ont le grade, l’office et le titre, mais non le crédit et l’influence ; ils ne sont suivis que par ceux qui les ont élus, par un dixième de la population, par une minorité de sectaires. — Encore dans cette minorité y a-t-il beaucoup de tièdes. Chez la plupart des hommes, entre la conviction et l’action la distance est grande ; les habitudes acquises, la paresse, la peur et l’égoïsme remplissent tout l’intervalle. On a beau croire aux abstractions du Contrat social, on ne se remue pas aisément pour un but abstrait. Au moment de marcher, on est pris d’inquiétude, on trouve la route qu’il faut suivre bien périlleuse et bien obscure ; on hésite, on s’attarde, on se sent casanier, on craint de s’engager trop fort et trop loin. Tel qui a donné volontiers des paroles, donne moins volontiers de l’argent ; tel autre, qui paye de sa