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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE

voque à parler ; en pratique, on obtient qu’elle se taise.

Dernier expédient, et le plus ingénieux de tous : quand une assemblée primaire parle trop haut, on suppose qu’elle s’est tue. — À Paris, où les électeurs sont plus éclairés et plus décidés qu’en province, dans dix-huit départements connus et peut-être dans plusieurs autres, les électeurs qui ont voté sur les décrets ont presque tous voté contre ; même, en beaucoup de cas, leur procès-verbal dit qu’ils ont voté contre, « à l’unanimité » ; mais ce procès-verbal omet de dire le chiffre précis des non. Sur quoi, dans le relevé total des non hostiles aux décrets, ces non ne sont point comptés[1]. Par cette fri-

  1. Archives nationales, A II, B, 688. — (Procès-verbaux des assemblées primaires du département de la Seine, section Popincourt, 9 vendémiaire). Cette section, apprenant que son vote contre les décrets « a été employé pour zéro dans le dépouillement général des votes », proteste et déclare que, « lorsqu’elle a émis son vote dans la séance du 22 fructidor, elle était composée de 845 citoyens, représentant 2594 votants ». Néanmoins, dans la récapitulation générale de vendémiaire, son vote reste compté pour zéro. — Même remarque pour la section de la Fidélité. Son procès-verbal dit qu’elle rejette les décrets « à l’unanimité », et qu’elle est composée de plus de 1300 citoyens. Dans la récapitulation, son vote est aussi compté pour zéro. — Les totaux donnés par la récapitulation sont les suivants : votants sur la Constitution, 1 107 368 ; pour, 1 057 390 ; contre, 49 978. — Votants sur les décrets, 314 282 ; pour, 205 498 ; contre, 108 794. — Mallet du Pan (I, 313) estime à 80 000 le nombre des électeurs qui à Paris ont rejeté les décrets. — Fiévée, Correspondance avec Bonaparte. Introduction, 126. — (Peu de jours avant le 13 Vendémiaire, Fiévée, au nom de la section du Théâtre-Français, vint, avec deux autres commissaires, vérifier, dans les bureaux de la Convention, les relevés qu’elle annonçait) : « Nous fîmes trois parts des pièces ; chaque commissaire se chargea d’en relever une, la plume à la main, et l’ensemble consciencieux de notre travail fut que, bien que la Convention eût fait voter par masse, mais individuellement, tous les régiments qui étaient alors en France, la majo-