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LE RÉGIME MODERNE


même en des entretiens pacifiques, son attitude reste agressive et militante ; volontairement et involontairement, il lève la main : on sent qu’il va frapper, et, en attendant, il offense. Dans ses correspondances avec les souverains, dans ses proclamations officielles, dans ses conversations avec les ambassadeurs, et jusque dans ses audiences publiques[1], il provoque, menace, défie[2] ; il

  1. Hansard’s Parliamentary History, t. XXXVI, 310. Dépêche de lord Whitworth à lord Hawkesbury, 14 mars 1803, et récit de la scène que le Premier Consul lui a faite : « Tout cela se passait assez haut pour être entendu par les deux cents personnes présentes. » — Lord Whitworth (dépêche du 17 mars) s’en plaint à Talleyrand et lui annonce qu’il discontinuera ses visites aux Tuileries, si on ne lui promet pas qu’à l’avenir il n’aura plus à subir de pareilles scènes. — En cela il est approuvé par lord Hawkesbury (dépêche du 27 mars), qui déclare le procédé inconvenant et blessant pour le roi d’Angleterre. — Scènes analogues, même outrecuidance et intempérance de langage avec M. de Metternich, à Paris en 1809, et à Dresde en 1813 ; avec le prince Korsakof, à Paris, en 1812 ; avec M. de Balachof, à Wilna, en 1812 ; avec le prince de Cardito, à Milan, en 1805.
  2. Avant la rupture de la paix d’Amiens (Moniteur, 8 août 1802) : « Le gouvernement français est aujourd’hui plus solidement établi que le gouvernement anglais. » — (Moniteur, 10 septembre 1802) : Quelle différence entre un peuple qui fait des conquêtes par amour de la gloire et un peuple de marchands qui devient conquérant ! » — (Moniteur, 20 février 1803) : « Le gouvernement, le dit avec un juste orgueil : l’Angleterre ne saurait aujourd’hui lutter contre la France. » — Campagne de 1805, 9e bulletin, paroles de Napoléon devant l’état-major de Mack : « Je donne un conseil à mon frère l’empereur d’Allemagne : qu’il se hâte de faire la paix ! C’est le moment de se rappeler que tous les empires ont un terme ; l’idée que la fin de la maison de Lorraine serait arrivée doit l’effrayer. » — Lettre à la reine de Naples, 2 janvier 1805 : « Que Votre Majesté écoute ma prophétie : à la première guerre dont elle serait cause, elle et ses enfants auraient cessé de régner ; ses enfants errants iraient mendier dans les différentes contrées de l’Europe des secours de leurs parents. »