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LE RÉGIME MODERNE


Selon un mot qu’on lui attribue, désormais « la carrière est ouverte aux talents », et désormais tous ces talents, recueillis dans le courant central, précipités en avant par l’émulation, viendront grossir de leur afflux l’immensité de la puissance publique.

Cela fait, les traits principaux de la France moderne sont tracés : une créature d’un type neuf et singulier se dessine, surgit, s’achève, et sa structure détermine sa destinée. C’est un corps social organisé par un despote et pour un despote, approprié au service d’un seul homme, excellent pour agir sous l’impulsion d’une volonté unique et d’une intelligence supérieure, admirable tant que cette intelligence reste lucide et que cette volonté reste saine, adapté à la vie militaire et non à la vie civile, partant mal équilibré, gêné dans son développement, exposé à des crises périodiques, condamné à la débilité précoce, mais viable pour un long temps, et, pour le présent, robuste, seul capable de porter le poids du nouveau règne et de fournir, quinze ans de suite, le travail accablant, l’obéissance conquérante, l’effort surhumain, meurtrier, insensé, que son maître exige de lui.

IV

Considérons de plus près la pensée du maître et la façon dont il se figure la société qui se reforme en ce

    Napoléon, les soldats disaient : Il a passé roi à Naples, en Hollande, en Suède, en Espagne, comme autrefois on disait des mêmes hommes : Il a passé sergent dans telle compagnie. »