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LE RÉGIME MODERNE


gnait pas ses substructions profondes. — Celui-ci, par sa taille et sa structure, par son histoire et sa durée, ressemble aux édifices de pierre que le même peuple, à la même époque, a construits sur le même terrain, aqueducs, cirques, arcs de triomphe, Colisée, thermes de Dioclétien et de Caracalla ; sur leurs fondements intacts et avec leurs moellons brisés, l’homme du moyen âge a bâti çà et là, au hasard, selon les besoins du moment : contre les pans de mur qui restaient debout, entre les colonnes corinthiennes, il juchait ses tours gothiques[1]. Mais, sous sa maçonnerie incohérente, il apercevait les belles formes, les marbres précieux, les combinaisons architecturales, les symétries savantes d’un art antérieur et supérieur ; lui-même, il sentait que son travail était grossier ; pour tous les esprits pensants, le monde nouveau, comparé au monde ancien, était misérable : ses langues semblaient des patois, sa littérature un bégaiement ou un radotage, son droit un amas d’abus ou une routine, sa féodalité une anarchie, son ordre social un désordre. — Vainement, et par toutes les issues, l’homme du moyen âge avait tenté d’en sortir, par la voie temporelle et par la voie spirituelle, par la monarchie universelle et absolue des césars d’Allemagne, par la monarchie universelle et absolue des pontifes de Rome. À la fin du XVe siècle, l’Empereur avait toujours le globe d’or, la couronne d’or, le sceptre de Charlemagne et d’Othon le Grand, mais depuis la mort

  1. Cf. les Estampes de Piranèse.