Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/102

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veté des périodes, l’espèce et le nombre des métaphores ; le tour des phrases explique l’espèce des idées et l’écrivain annonce tout l’homme.

Le talent de M. Cousin est oratoire. Il a le don et le goût de l’éloquence ; vous trouverez en lui toutes les qualités qui peuvent la nourrir ou l’orner. D’abord il dispose parfaitement les diverses parties d’un sujet : en cela ses leçons de 1828 sont des modèles. Aucun professeur ne savait mieux classer les questions, les annoncer, faire compter aux auditeurs tous les pas de sa méthode, les mener par la main, les soutenir aux passages difficiles, marquer les étapes du voyage, les arrêter au bout de chaque question pour leur faire embrasser d’un coup d’œil l’espace parcouru. On sent qu’il est toujours maître de son sujet, qu’il se meut dans le champ des idées comme dans son domaine, qu’il en sait tous les chemins, qu’il est prêt, si l’un d’eux se trouve fermé, à en ouvrir d’autres, qu’il a le droit de prendre charge d’âmes, et de s’offrir pour guide aux ignorants et aux étrangers qui voudront visiter la contrée solitaire et périlleuse où il s’est établi. En effet, l’orateur est un guide ; son œuvre n’est point d’inventer, mais de conduire. Il ne crée pas les idées, il les répand. Celles de M. Cousin sont nées en Écosse, en Allemagne, au dix-septième siècle ; mais il a su les expliquer, les embellir, les propager, et, en leur acquérant l’empire, il a fait son office d’orateur.