Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/140

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Mais dans cette passion nouvelle, il a gardé ses anciennes habitudes d’esprit ; il a loué sa dame comme il aurait loué Descartes ; et en galanterie, comme en philosophie, il est resté professeur.

Établissons, s’est-il dit, par une argumentation irréfragable, que Mme de Longueville fut la plus belle des femmes. En tout sujet, il y a deux sortes de preuves : les unes a priori et de théorie, les autres a posteriori et de fait. Démontrons d’abord a priori la beauté de Mme de Longueville, et pour cela établissons les caractères de la vraie beauté.

Le fond de la vraie beauté, comme de la vraie vertu, comme du vrai génie, est la force. Sur cette force répandez un rayon du ciel, l’élégance, la grâce, la délicatesse : voilàla beauté !… Mme de Longueville avait tous les caractères de la vraie beauté, et elle y joignait un charme particulier. Elle était assez grande et d’une taille admirable. L’embonpoint et ses avantages ne lui manquaient pas. Elle possédait, je ne puis en douter en regardant les portraits authentiques qui sont sous mes yeux, le genre d’attraits qu’on prisait si fort au dix-huitième siècle, et qui avec de belles mains avait fait la réputation d’Anne d’Autriche. Les yeux étaient du bleu le plus tendre ; des cheveux d’un blond cendré de la dernière finesse, descendant en longues boucles abondantes, ornaient l’ovale gracieux de son visage, et inondaient d’admirables épaules, très-découvertes selon la mode du temps. Voilà le fond d’une vraie beauté.

Passons aux preuves a posteriori, c’est-à-dire à l’expérience et aux témoignages.