Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/186

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— Fort bien. À présent, permettez-nous d’aller réfléchir à ceci là-bas dans un coin.

Voilà des jugements universels et nécessaires, formés par l’abstraction seule. Probablement ils ne sont pas les seuls. Il faut voir si par hasard les choses ne se passent pas en métaphysique comme en mathématiques. Peut-être est-ce une opération d’algèbre qui forme les fameux axiomes de M. Cousin.

Prenons l’axiome des substances, et commençons par l’entendre. Toute qualité suppose une substance. Qu’est-ce qu’une substance et qu’est-ce qu’une qualité ? Cette pierre est dure, blanche, carrée. Cet homme est laid, spirituel, méchant. Le moi est sensible, passionné, intelligent. La pierre, l’homme, le moi, voilà des substances ; la blancheur, la dureté, la laideur, la méchanceté, l’intelligence, voilà des qualités. Réfléchissons un instant, et nous verrons que les qualités sont des parties, des points de vue, des éléments, bref des abstraits de la substance, et que la substance est l’ensemble, le tout indivisible, en un mot la donnée concrète et complexe d’où sont extraites les qualités. L’objet avant analyse et division, c’est la substance ; le même objet analysé et divisé, ce sont les qualités. La substance est le tout, les qualités sont les parties ; ôtez toutes les qualités d’un objet, toutes ses manières d’être, tous les points de vue par lesquels