Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/213

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Arrivé au bon manuscrit, il montre par des raisons logiques que toutes ses parties se tiennent, qu’elles forment un cours complet de dialectique, que des ressemblances de style et diverses autres probabilités indiquent que cette dialectique est celle d’Abailard, citée dans la Théologie chrétienne par Abailard lui-même. D’autres conjectures, habilement établies, en découvrent à peu près la date. Puis tour à tour une suite de discussions excellentes, conduites avec une clarté parfaite et une raison soutenue, font voir que Roscelin fut le maître d’Abailard, qu’Abailard était très-ignorant en mathématiques, qu’il ne savait pas le grec, qu’il ne connaissait tout au plus de Platon que le Timée dans la version de Chalcidius, qu’il ne connaissait d’Aristote que l’Organum, et de l’Organum que les trois premières parties traduites par Boèce, et qu’ainsi la philosophie scolastique est sortie d’une phrase de Porphyre traduite par Boèce. Vous voyez quelles peinesilfaut prendre, quelle prudence, quel tact, quelles recherches de tout genre, quel soin minutieux, quels efforts de raisonnement il faut employer pour constater les faits les plus minces. C’est une gloire d’avoir réuni tant de mérites et composé des monographies qui resteront.

C’est une gloire plus rare encore d’être resté homme de goût, homme éloquent, amateur d’idées générales, parmi des détails si insipides et des ar-