Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/245

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ni observables. On y lit l’histoire d’une circonstance mal déterminée, désignée par une métaphore poétique, et nommée empire de soi, possession de soi, et on n’y lit rien autre chose. Est-il étonnant que l’écrivain ne reconnût pas le monde intérieur dans le tableau qu’il en faisait, lorsqu’il relisait cette phrase : « Nos facultés sont tout à fait sous l’impulsion des mobiles ou tendances de notre nature, qui réclament certains objets, aspirent à certaines fins, poussent nos facultés dans la direction qu’elles veulent, sans que nous intervenions, nous, pour empêcher cette direction ou la rectifier[1]. » Qu’entend-on par des facultés qui veulent ? qu’est-ce qu’une faculté poussée par une tendance ? Quel est ce nous qui intervient en nous-mêmes, et qui est distinct des tendances et des facultés ? Comment peindre le monde intérieur, qui est composé de faits, en évitant de marquer les faits ? Qui le découvre à travers ces expressions si générales, tirées péniblement des faits par tant d’intermédiaires ? Qui peut remonter d’un coup d’œil la chaîne des opérations qui les ont formées ? Qui surtout la remontera à travers tant d’anneaux brisés, de fautes de langue, de termes impropres ou obscurs ? Priez un grammairien d’examiner ces mots : Faits moraux de la nature

  1. Cours de droit naturel, p. 74. Tout le reste est du même style.