Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/294

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vies futures, notre cœur serait insatiable, puisque c’est la perfection qu’il réclame, et qu’à moins d’être Dieu il ne serait pas satisfait ! Ne dites donc pas que la nature d’un être prédit sa destinée ; tout au plus elle l’indique, par conjectures probables, réserve faite des causes extérieures qui peuvent se jeter à la traverse et des conditions extérieures qui peuvent manquer. Ne dites pas non plus que la destinée présente est appropriée à la nature actuelle, et que, puisque nos tendances naturelles ne peuvent présentement être satisfaites, notre destinée présente n’est pas de les contenter. Que l’herbe soit mauvaise, peu importe ; la destinée du bœuf est toujours d’en manger. Que notre science soit imparfaite, peu importe ; notre destinée est toujours de connaître. La preuve en est que le bœuf désire manger et que nous aspirons à connaître. Conservons précieusement le sens exact que les exemples particuliers ont attribué au mot destinée ; par ce moyen, tout s’éclaire. Les faits dominants qui composent la vie d’un être sont sa destinée ; donc il y a en lui des forces capables de les produire : donc il y tend et ils composent son bien. — Nous ne sommes pas sûrs qu’il les produise ; car, à titre de faits, ils sont précaires et dépendent des circonstances extérieures ; donc, étant donné un être, il n’est pas certain qu’il atteigne sa destinée. — Il aspire à l’atteindre, quoique sou-