Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/310

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ficiels, ils répondront qu’il a réussi parce qu’il est vrai.

Quand cela serait, sa vérité ne lui aurait point donné l’empire. La moindre étude de l’histoire prouve que l’empire ne s’acquiert point ainsi. Si la proposition du carré de l’hypoténuse choquait nos habitudes d’esprit, nous l’aurions réfutée bien vite. Si nous avions besoin de croire que les crocodiles sont des dieux, demain, sur la place du Carrousel, on leur élèverait un temple. Tant de religions diverses et tant de philosophies contraires, tant de vérités renversées et tant d’erreurs soutenues, ont montré que l’établissement et la chute des opinions dépendent non de leur absurdité ou de leur évidence, mais de la conformité ou de l’opposition qui se rencontre entre elles et l’état des esprits. C’est pour cela que les dogmes varient selon les siècles et selon les races. Ce n’est point faire injure à un siècle ni à une race que d’expliquer ses croyances par ses inclinations primitives et par ses habitudes générales ; ce n’est point faire injure à l’éclectisme que d’expliquer sa réussite par le génie et par les inclinations de son pays et de son temps.

Si le lecteur daigne relire l’exposé des causes qui ont guidé ses fondateurs, il en trouvera deux : le besoin de subordonner la science à la morale, et le goût des mots abstraits.