Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette préférence pour la morale a décrié aux yeux de M. Royer-Collard la découverte ancienne des idées représentatives. Par crainte du scepticisme, il a détruit la théorie de la perception extérieure, et n’y a substitué qu’un acte de foi écrit en style de dictateur.

Cette préférence pour la morale a fortifié M. de Biran dans son étrange doctrine des forces, et l’a plongé[1] dans sa théorie mystique de la révélation intérieure et de la raison illuminée.

Cette préférence pour la morale a fini par réformer toute la philosophie de M. Cousin. Ainsi métamorphosé, il a réfuté par une équivoque le scepticisme, doctrine immorale ; réduit la psychologie à l’étude de la raison et de la liberté, seules facultés qui aient rapport à la morale ; défini la raison et la liberté de manière à servir la morale ; prescrit à l’art l’expression de la beauté morale ; institué Dieu comme gardien de la morale, et fondé l’immortalité de l’âme comme sanction de la morale. Ainsi accaparé, il a supprimé la philosophie philosophique, laissant entières les objections anciennes, répétant les démonstrations anciennes, effaçant les questions de science, réduisant la science à une machine oratoire d’éducation et de gouvernement.

  1. Rapport du physique et du moral, p. 157.