Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/64

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paraît réel ; la forêt intérieure devient extérieure. Vous apercevez des pans de ciel lointain au bout des allées, des têtes de biches peureuses, des volées d’oiseaux effarés ; vous entendez des bourdonnements d’insectes, des bruissements de feuilles, les chuchotements du vent arrêté entre les branches. Si une bûche roule, vous sursautez étonné : sur les charbons noircis flottent encore des restes de la vision brisée. Vous vous croyiez parmi les arbres ; la représentation était si vive, que vous l’avez prise pour l’original. Et cette nuit, pendant votre sommeil, d’autres représentations semblables et plus puissantes produiront des illusions semblables et plus intenses. Vous ajouterez foi à votre songe. Les objets rêvés vous sembleront aussi réels et aussi consistants que vous-même. Pour achever, allez à la Salpêtrière : là, des hallucinations persistantes, d’une netteté accablante, indestructibles à la conscience la plus éclairée et à la raison la mieux avertie, vous montreront l’idée représentative dans toute sa plénitude et dans tout son ascendant.

La perception extérieure est une hallucination vraie. À l’occasion d’une sensation naît une idée représentative, ou, en d’autres termes, un simulacre que nous prenons pour l’objet, qui, comme

    tion, à l’état naturel et primitif, est accompagnée d’affirmation et de croyance.