Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/65

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l’objet, nous paraît extérieur et réel, dont la naissance coïncide avec la présence d’un objet réel et extérieur. Malebranche a raison : le soleil qui brille là-haut nous est invisible. Celui que nous apercevons est un fantôme de notre esprit. Pourvu que notre nerf optique et notre cerveau soient touchés à l’endroit convenable, ce soleil subsistera en l’absence de l’autre, et nous le verrons luire dans le ciel noir et désert.

La place manque pour énumérer les preuves multipliées d’une vérité si certaine. Le lecteur nous permettra de ne point écrire ici une psychologie ; j’abrège en quelques mots un demi-volume. L’analyse, le raisonnement, l’expérience, là-dessus tout est d’accord : qu’on me pardonne d’indiquer et d’effleurer ce qu’il faudrait démontrer et établir : — La perception extérieure est précédée d’une sensation ; mais toute sensation, maladive ou saine, spontanée ou forcée, née au dedans ou causée par le dehors[1], suscite le simulacre d’un objet extérieur qui paraît réel. Donc, dans la perception extérieure, il y a en nous le simulacre d’un objet extérieur qui paraît réel. — Au sortir d’une perception extérieure, nous conservons la représentation très-exacte, très-claire, très-complète de l’objet perçu. Mais selon la loi de Dugald Stewart, l’état primitif

  1. Voyez les traités des maladies sensorielles et des hallucinations.