le meilleur langage et les plus courtoises façons ; le lendemain, il va leur rendre visite, trouve les volets presque fermés, les ouvre un peu, s’aperçoit que les deux pauvres dames sont en guenilles et que leur linge est rebutant ; elles louent le dimanche leurs beaux habits, afin d’aller à la messe, sans quoi elles n’auraient point part aux aumônes ecclésiastiques par lesquelles elles vivotent. — Quelques années plus tard, il revient à Milan. Des maris, des frères, tous gentilshommes, tous bien élevés, quelques-uns encore fiers, se font ses entremetteurs auprès des personnes de leur famille ; un comte chez lequel il loge, et qui n’a pas de bois pour faire du feu dans ses cheminées, s’offre en rougissant pour négocier la chose avec sa femme. Un autre, le comte Rinaldi, apprenant qu’on donne cent écus de sa fille, pleure de joie, croyant n’en avoir que cinquante. De charmantes dames qui, faute d’argent, n’ont jamais pu visiter Milan, ne peuvent résister à un souper et à une robe. Le fils d’un noble vénitien tient un tripot, triche et l’avoue. Une jeune fille noble confesse que « son père lui a enseigné à tailler un pharaon de telle façon qu’elle ne peut perdre. » Hommes et femmes sont à genoux devant un sequin. On ne peut rien citer, et il n’y a que les propres paroles de l’aigrefin charlatan et viveur pour faire sentir le contraste extraordinaire des manières et des mœurs : d’un côté les beaux habits, les phrases polies, le style élégant, les prévenances et le bon goût du meilleur monde, de l’autre l’effronterie, les actions, les gestes et les ordures du plus mauvais lieu. C’est à ce bas-fond qu’aboutit la vie seigneuriale du seizième siècle ; quand le peuple ne travaille plus et que les grands volent, on voit pulluler les chevaliers
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