d’industrie et les dames d’aventure ; l’honneur est une marchandise comme le reste, et on le livre contre espèces quand on n’a plus rien.
Et cependant c’est à cette société de privilégiés, d’oisifs, qu’on doit les grandes œuvres d’art pour lesquelles aujourd’hui l’on visite Rome. En l’absence de tout autre intérêt, ils s’occupaient de collections et d’architecture ; le plaisir de bâtir, les goûts d’antiquaire et de connaisseur sont les seuls qui restent à un seigneur fatigué des cérémonies, dans un pays où la chasse et les violents exercices corporels ne sont plus de mode, où la politique est interdite, où il n’y a point d’esprit public ni d’idées humanitaires, où la grande littérature s’est éteinte pour laisser à sa place l’ignorance crasse et les petits vers. Que voulez-vous qu’il fasse quand il a pourvu aux intérêts de sa maison, quand il a rendu des visites et fait l’amour ? Il construit et il achète. Jusqu’au dix-huitième siècle, et en pleine décadence, cette noble tradition subsiste. Il préfère la beauté à la commodité. « Les maisons, dit le président De Brosses, sont couvertes de bas-reliefs antiques de fond en comble, mais il n’y a pas de chambres à coucher. » L’Italien ne met pas son luxe, comme les Français, dans les réceptions et la goinfrerie ; à ses yeux, une belle colonne cannelée vaut mieux que cinquante repas. « Sa manière de paraître, après avoir amassé par une vie frugale un grand argent comptant, est de le dépenser à la construction de quelque grand édifice public… qui fasse passer à la postérité d’une façon durable son nom, sa magnificence et son goût. »
Les traces de cette étrange vie sont visibles à chaque pas dans les cent ou cent cinquante palais qui peuplent