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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/170

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C’étoit la feue comtesse de La Suze ; elle le dit au maréchal, qui sur l’heure le fit valet de chambre.

Il seroit à souhaiter qu’il y eût toujours à la cour quelqu’un comme lui : il en faisoit l’honneur, il recevoit et divertissoit les étrangers. Je disois qu’il étoit à là cour ce que Bel Accueil est dans le Roman de la Rose. Cela faisoit qu’on appeloit partout Bassompierre ceux qui excelloient en bonne mine et en propreté. Une courtisane se fit appeler à cause de cela la Bassompierre, une autre fut nommée ainsi parce qu’elle étoit de belle humeur. Un garçon qui portoit en chaise sur les montagnes de Savoie fut surnommé Bassompierre, parce qu’il avoit engrossé deux filles à Genève. À propos de ce surnom de Bassompierre, il lui arriva une fois une plaisante aventure sur la rivière de Loire. Il alloit à Nantes du temps que Chalais eut la tête coupée ; une demoiselle lui demanda place dans sa cabane pour elle et pour sa fille : cette demoiselle alloit à la cour pour y faire sceller une grâce pour son fils. On alloit toute la nuit. Dans l’obscurité il s’approche de cette fille, et il étoit près d’entrer dans la chambre défendue, quand un batelier se mit à crier : _Vire le peautre (1), Bassompierre. »

[(1) Gouvernail,]

Cela le surprit, et, je crois même, le désapprêta. Il sut après qu’on appeloit ainsi celui qui tenoit le gouvernail, et qu’on lui avoit donné ce nom, parce que c’étoit le plus gentil batelier de toute la rivière de Loire.

Une illustre maquerelle disoit « que M. de Guise étoit de la meilleure mesure, M. de Chevreuse de la plus belle corpulence, M. de Termes le plus sémillant, et M. de Bassompierre le plus beau et le plus goguenard. »

Ceux que je viens de nommer, avec M. de Créquy et le père de Gondy, alors général des galères, mangeoient souvent ensemble, et s’entre-railloient l’un l’autre ; mais dès qu’on sentoit que celui qu’on tenoit sur les fonts se déferroit,