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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/227

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par hasard vis-à-vis de mesdemoiselles Mayerne-Turquet, sœurs de ce Mayerne (1) qui a été premier médecin du roi d’Angleterre, où il a fait une assez grande fortune : c’étoit un peu après la réduction de Paris.

[(1) Il étoit gentilhomme, mais si adonné à la médecine qu’étant enfant il faisoit des anatomies de grenouilles. (T.)]

Elle fit amitié avec ses filles, qui étoient des personnes raisonnables, et qui, comme huguenotes, en fuyant la persécution, avoient vu assez de pays (2).

[(2) Une de ces filles fut mise par feu M. de Rohan auprès de madame de Rohan, qui avoit été mariée fort jeune : ainsi madame Pilou connut tout le monde à l’Arsenal. (T.) ]

Cette connoissance lui servit, et la tira en quelque sorte du câlinage (3) de sa famille, car son père n’étoit qu’un procureur.

[(3) Niaiserie, commérage.]

Cela lui servit à connoître une madame de La Fosse, leur parente, riche veuve, qui avoit été galante, et qui, en mourant, lui laissa du bien. Elle épousa un procureur, nommé Pilou, qui ne fit pas grand’fortune ; en récompense, elle n’a eu qu’un fils, qui vit encore. Il n’y a peut-être jamais eu une moins belle femme qu’elle, mais il n’y en a peut-être jamais eu une de meilleur sens, et qui die mieux les choses.

Cette madame de La Fosse, pour reprendre le fil, n’étoit pas la plus grande prude du royaume. Madame Pilou, par son moyen, eut bientôt un grand nombre de connoissances, mais la plupart de la ville. Insensiblement, elle en fit aussi de la cour, et enfin elle parvint à être bien venue partout, et chez la Reine même. Elle a fait trois classes de tout le monde : ses inférieurs, à qui elle fait tout le bien qu’elle peut ; ses égaux, avec lesquels elle est toute prête de se réconcilier, quand ils voudront, et les grands seigneurs, pour qui elle dit qu’on ne sauroit être trop fier en un lieu comme Paris. Elle ne se mêle point de donner des gens à personne, et ne veut point souffrir que des suivants ou des suivantes lui viennent rompre la tête. Elle dit qu’il y a quelquefois de sottes gens