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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/228

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qui rient dès qu’elle ouvre la bouche, comme les badauds qui rient dès que Jodelet paroît.

La femme d’un procureur, laide comme un diable, qui avoit commencé par des femmes qui n’avoient pas le meilleur bruit du monde, ne pouvoit guère passer dans l’esprit de ceux qui ne la connoissoient pas bien particulièrement, que pour une créature qui servoit aux galanteries de tant de jolies personnes qu’elle fréquentoit. ( on a dit de madame de La Maisonfort qu’elle n’étoit plus si cruelle,

Depuis qu’elle fut à Saint-Cloud

Avec madame de Pilou.


(1659 juin) M. de Tresmes, duc à brevet, âgé de quatre-vingts ans, tomba malade. Son fils, le marquis de Gèvres, va trouver madame Pilou, et lui dit : « Je vous prie, parlez à mon père, il ne veut point me voir. Mademoiselle Scarron (sœur du cul de Jatte), qu’il entretient, m’a mis mal avec lui ; mais le pis, c’est qu’il ne veut rien faire de ce qu’il faut pour bien mourir. » Elle y va, la première fois, elle fit venir les morts subites à propos, et dit qu’on étoit bien heureux d’avoir le loisir de penser à soi. Le malade dit qu’il se sentoit bien. Elle ne voulut pas pousser plus loin. La seconde fois, elle presse davantage, et voyant que cet homme disoit que les gens d’église mêmes avoient des maîtresses, elle marche sur le pied à Guénault, afin qu’il l’aidât. Au lieu de cela, le médecin dit : « Madame Pilou, vos prônes m’ennuient. » Elle se retire, et ne s’en mêle plus. Sur cela on fait un conte par la ville, et que M. de Tresmes lui avoit répondu : « Vous n’étiez pas si scrupuleuse, il y a trente ans. » Elle l’apprend à quelques jours de là ; elle va voir M. de Langres (la Rivière) : il avoit dîné assez de gens avec lui : « Ah ! dit-il, madame Pilou, je défendois votre cause. » Elle se met là dans un fauteuil. « Je vous entends, lui dit-elle ; je sais le conte qu’on fait par la ville ; je ne m’étonne pas que ces bruits-là