Feu Saint-Charmes Tervaux, conseiller au grand conseil, garçon d’esprit et qui faisoit joliment des vers, n’en voulut pourtant point, quoiqu’elle eût cinquante mille écus, et qu’il y eût beaucoup à espérer encore. Mais Tallemant (1) conseiller au grand conseil, garçon de grande dépense, espérant avoir des millions, l’épousa après avoir changé de religion, et de l’agent du mariage en acheta une charge de maître des requêtes.
[(1) Gédéon Tallemant, maître des requêtes et intendant de justice de Languedoc.]
Il fut nourri quelques années, lui et son train, chez Montauron, et il en tira plus de dix mille écus de hardes. L’éducation de cette fille avoit été étrange, car elle ne voyoit que vitupère ; tout fourmilloit de bâtards là-dedans, et sa gouvernante avoit à tout bout de champ le ventre plein (2).
[(2) Montauron avoit des demoiselles chez lui et dehors tout à la fois. (T.)]
De succession il n’en falloit point parler ; car cette fille étoit incestueuse, et il n’y avoit pas même un contrat de mariage. Tallemant négligea avec tout cela de prendre toutes ses sûretés à la chambre des comptes pour la légitimation. Pas un de ses parents, hors sa sœur, ne consentit à ce mariage, et ils n’ont jamais voulu signer le contrat. Lui et sa femme, au lieu d’épargner s’imaginoient avoir des millions de Montauron, et le gendre, à l’exemple du beau-père, faisoit une dépense enragée ; il se mit même à jouer, et on se confessoit de lui gagner son argent, car il jouoit comme un idiot. Il avoit aussi des mignonnes. Montauron souffroit qu’on dît des gaillardises à sa table, et il est arrivé souvent à sa fille de feindre de se trouver mal, et de se retirer tout doucement dans sa chambre. Les petits maîtres et autres prenoient ce qu’il y avoit de meilleur ; et souvent à peine daignoient-ils faire place à celui qui leur faisoit si bonne chère. J’ai cent fois ouï dire à Montauron qu’il avoit les meilleurs officiers de France ; il n’y avoit que lui alors qui parlât comme cela. Il disoit familièrement à