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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/278

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m’en voudra point de mal, s’il lui plaît ; mais je lui avouerai franchement que j’aime mieux mon mari. Vous ne me donnez que de l’inquiétude, je suis toujours en peine pour votre santé, et lui me donne du plaisir — Mais lequel aimeriez-vous mieux, ajouta le cardinal, que M. de Cavoye mourût ou tout le reste du monde ? — J’aimerois mieux que tout le monde mourût. — Mais que feriez-vous tous deux tout seuls  ? — Nous ferions ce qu’Adam et Eve faisoient. »

Elle dit qu’elle avoit tout le soin des affaires et du ménage : « Quand il revenoit au logis, je le caressois ; je me faisois toute la plus jolie que je pouvois pour lui plaire ; il n’entendoit parler de rien de fâcheux ; point de plaintes, point de crierie, point d’affaires. Enfin, c’étoit comme si le sacrement n’eût point passé. »

Elle dit un jour à mademoiselle de Bussy, avec laquelle elle causoit il y avoit une demi- heure : « Mademoiselle, nous nous ennuyons l’une l’autre, adieu ; il vaut mieux se séparer ; je vois que la conversation languit. »

Une fois, au retour de la campagne, quand ce mari fut couché, et qu’il eut fait le devoir, ils parlèrent un peu de leurs petites affaires : « J’ai, lui dit-il, plus dépensé que je ne pensois ; la nourriture a été fort chère ; j’ai été contraint d’emprunter tant. — Hé bien ! dit- elle, patience, je trouverai bien de quoi remplacer cela. » Après il recommença : « Oh ! lui dit-elle, Cavoye, tu as fait encore quauque dette. » Car elle a un petit accent, et quelques mots du pays, qui donnent encore plus de grâce à ce qu’elle dit.

Ce mari mourut avant le cardinal de Richelieu. La pauvre madame de Cavoye en fut terriblement affligée. Madame de Bennelle y alla comme les autres, et, comme elle prit congé : « Hélas ! dit l’affligée, que je serois heureuse, mon enfant, si j’étois aussi oison que toi ! je ne sentirois pas ce que je sens. » D’Ornano, le dévot, y fut aussi, et avoit avec lui deux vilains grimauds. d’enfants : « Sont-ils à vous ? «