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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/279

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lui dit-elle. — - Oui, Madame. — Hé ! mon pauvre Monsieur, s’écria-t-elle, priez bien Dieu, et ne faites plus d’enfants. » Elle avoit une fille bien faite, mais fort éveillée ; elle ne la perdoit point de vue : « Cela a le cul trop chaud, disoit-elle, il faut que je lui donne un mari de Languedoc. » elle lui en donna un ; et sa fille, après quelques années, étant venue ici avec son mari (c’étoit un assez pauvre homme), elle tâcha de faire quelque chose pour lui à la cour ; mais comme elle vit qu’il ne s’aidoit point : « Petite, dit-elle à sa fille, remène ton mari à la province, je n’en sais que faire ici. »

Quoique chargée de beaucoup d’enfants, elle fait si bien qu’elle subsiste honorablement ; elle a eu la moitié du don des chaises de Souscarrière (1) dès le temps du feu cardinal et cela lui vaut beaucoup.

[(1) L’invention des chaises à porteur importée d’Angleterre par Souscarrière, qui en obtint le privilège en France, en commun avec madame de Cavoye. (M.)]

Elle fait sa cour ; elle est adroite et aimée de tout le monde, pleure encore quand on lui parle de son mari. Il sera parlé d’elle dans les Mémoires de la régence, car elle dit toujours quelque chose de plaisant. Elle, madame Pilou et madame Cornuel, ce sont trois originaux. Elle est fort libre. Un jour, un garçon, c’est l’abbé Testu, l’aîné, la menoit chez madame de Chavigny : « Mon pauvre abbé, lui dit-elle en passant dans une grande salle, tourne la tête. » Et après elle se met à pisser dans une cuvette. Elle a cinquante ans, et, après douze grossesses pour le moins, la gorge aussi belle qu’à quinze ans ; elle n’a jamais eu le visage fort beau, mais agréable ; pour le corps, il n’y en avoit guère de mieux faite.


LE PETIT SCARRON

Le petit Scarron, qui s’est surnommé lui-même cul-de-