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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/28

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folie qu’on pouvoit faire : cependant il y étoit résolu. On devoit déclarer feu M. le Prince bâtard. M. le comte de Soissons se faisoit cardinal, et on lui donnoit trois cent mille écus de rentes en bénéfices. M. le prince de Conti étoit marié alors avec une vieille qui ne pouvoit avoir d’enfants. M. le maréchal de Biron devoit épouser la fille de madame d’Estrées, qui depuis a été madame de Sanzay. M. d’Estrées la devoit avouer ; elle étoit née durant le mariage, mais il y avoit cinq ou six ans que M. d’Estrées n’avoit couché avec sa femme, qui s’en étoit allée avec le marquis d’Allègre, et qui fut tuée avec lui à Issoire, par les habitants, qui se soulevèrent et prirent le parti de la Ligue. Le marquis et sa galante tenoient pour le Roi : ils furent tous deux poignardés et jetés par la fenêtre.

Cette madame d’Estrées étoit de La Bourdaisière, la race la plus fertile en femmes galantes qui ait jamais été en France [1] ; on en compte jusqu’à vingt-cinq ou vingt-six, soit religieuses, soit mariées, qui, toutes, ont fait l’amour hautement ; de là vient qu’on dit que les armes de La Bourdaisière, c’est une poignée de vesces ; car il se trouve, par une plaisante rencontre que, dans leurs armes, il y a une main qui sème de la vesce.

On fit sur leurs armes ce quatrain :

Nous devons bénir cette main

Qui sème avec tant de largesses

Pour le plaisir du genre humain,

Quantité de si belles vesces. [2]

Voici ce que j’ai ouï conter à des gens qui le savoient bien, ou croyoient le bien savoir : une veuve de Bourges, première femme d’un procureur, ou d’un notaire, acheta un méchant pourpoint à la Pourpointerie, dans la basque duquel elle trouva

  1. On dit qu’une madame de La Bourdaisière se vantoit d’avoir couché avec le pape Clément VII, à Nice ; avec l’empereur Charles quand il passa en France, et avec François 1er (T.)
  2. Ce mot se prenoit alors dans le sens de femme déhontée. (M.)