Aller au contenu

Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien du plaisir, et lui dit : « Je vous donnerai un livre qui vous sera plus utile. » Il se méprit, et, au lieu de ce livre, il lui donne un autre roman : il y avoit trois marques en des endroits qui n’étoient pas plus honnêtes que de raison. La première fois que le moine revint, elle lui en fit la guerre. « Ah ! dit-il, je l’ai ôté à une personne ; ces marques ne sont pas de moi. » Quelques jours après, il lui rendit le premier roman, apparemment parce qu’il avoit eu le loisir de le lire, et dit à la mère de mademoiselle de Scudéry que sa fille avoit l’esprit trop bien fait pour se laisser gâter à de semblables lectures. M. Sarrau, conseiller huguenot à Rouen (il l’a été depuis à Paris), lui prêta ensuite les autres romans. Elle se plaint fort de la fortune, et me conta un témoignage de leur malheur qui est assez extraordinaire. Un de leurs amis étoit sur le point de leur faire toucher dix mille écus d’une certaine affaire, et il n’avoit jamais voulu dire par quel biais ni par quelles personnes. En ce temps-là ils revenoient de Rouen ; ils trouvèrent un homme de leur connoissance sur le chemin, qui venoit de Paris. « Quelles nouvelles ? — Rien, sinon qu’un tel (c’étoit cet ami) a été tué d’un coup de tonnerre parmi un million de gens qui se promenoient à la Tournelle. »

Par le moyen de M. de Lisieux, au commencement de la Régence, madame de Rambouillet dit avoir le gouvernement de Notre-Dame-de-La-Garde, de Marseille, à Scudéry, et l’emporta sur Boyer, qui l’avoit eu, et qui le redemandoit au cardinal Mazarin, à qui il étoit. Quand il fut question d’en donner les expéditions, M. de Brienne écrivit à madame de Rambouillet qu’il étoit de dangereuse conséquence de donner ce gouvernement à un poète, qui avoit fait des poésies pour l’Hôtel de Bourgogne, et qui y avoit mis son nom. Madame de Rambouillet lui fit réponse qu’elle avoit trouvé que Scipion l’Africain avoit fait des comédies, mais qu’à la vérité on ne les avoit pas jouées à l’Hôtel de Bourgogne. Après Scudéry eut ses expéditions. Il part donc pour aller