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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/304

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TALLEMANT DES RÉAUX

dran : « Madame, j’ai la plus grande ardeur du monde pour elle. — Hé ! Monsieur, gardez-la pour un certain jour, cette grande ardeur. » Madame de Sévigny lui dit un peu gaillardement : « Pour vous, votre procès est dans vos chausses. » Madame d’Olonne un jour disoit : « J’aimerois autant être condamnée au congrès. »

Cette madame de Langey ne témoigna pas beaucoup de cœur, car, dans une rencontre qui eût mis une autre personne au désespoir, elle jouoit aux épingles avec sa cousine Le Cocq, et n’a pas paru extrêmement touchée de toutes les indignités qu’on lui a fait souffrir. Les juges de l’édit étoient assez mal satisfaits d’elle, et si Langey n’eût point été si sot que de demander le congrès, elle eût été bien empêchée. Il ne tint qu’à lui de s’accommoder assez avantageusement. Pour peu qu’il y eût eu de galanterie du côté de madame de Langey, elle étoit perdue, car on ne trouva pas bon qu’elle fût allée en cachette, chez un des parents de sa tante, voir un feu d’artifice sur l’eau ; il est vrai que c’étoit au sortir de chez le rapporteur où Langey avoit permission de lui parler durant trois jours. Le père et la mère de Langey vinrent ici exprès pour le faire résoudre à s’accommoder ; ils n’en purent jamais venir à bout. On n’a jamais vu un tel esprit d’étourdissement.

Le jour qu’on ordonna le congrès, Langey crioit victoire vous eussiez dit qu’il étoit déjà dedans : on n’a jamais vu tant de fanfaronnades. Mais il y eut bien des mystères avant que d’en venir là. Il fit ordonner qu’on la baigneroit auparavant, c’étoit pour rendre inutiles les restringents, et qu’elle auroit les cheveux épars, de peur de quelque caractère[1] dans sa coiffure. Faute d’autre lieu, on prit la maison d’un baigneur au faubourg Saint-Antoine.

La veille lui et elle furent encore visités par quinze personnes, et, le jour, je pense qu’il avoit aposté de la canaille,

  1. Quelques caractères magiques.