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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/32

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sinon : « Un tel, au moins deviez-vous boire à ma santé, je vous eusse fait raison. »

On lui dit que feu M. de Guise étoit amoureux de madame de Verneuil ; il ne s’en tourmenta pas autrement, et dit :

« Encore faut-il leur laisser le pain et les p…… : on leur a ôté tant d’autres choses. »

Il étoit amateur de bons mots : un jour, passant par un village, où il fut obligé de s’arrêter pour y dîner, il donna ordre qu’on lui fît venir celui du lieu qui passoit pour avoir le plus d’esprit, afin de l’entretenir pendant le repas. On lui dit que c’étoit un nommé Gaillard. « Eh bien ! dit-il, qu’on l’aille quérir. » Ce paysan étant venu, le Roi lui commanda de s’asseoir vis-à-vis de lui, de l’autre côté de la table où il mangeoit. « Comment t’appelles-tu  ? dit le Roi. — Sire, répondit le manant, je m’appelle Gaillard. — Quelle différence y a-t-il entre gaillard et paillard  ? — Sire, répond le paysan, il n’y a que la table entre deux. — Ventre-saint-Gris ! j’en tiens, dit le Roi en riant. Je ne croyois pas trouver un si grand esprit dans un si petit village. »

Quand il vint à donner le collier à M. de La Vieuville, père de celui que nous avons vu deux fois surintendant, et que La Vieuville lui dit, comme on a accoutumé : « Domine, non sum dignus. — Je le sais bien, je le sais bien, lui dit le roi, mais mon neveu m’en a prié. » Ce neveu étoit M. de Nevers, depuis duc de Mantoue, dont La Vieuville, simple gentilhomme, avoit été maître-d’hôtel. La Vieuville en faisoit le conte lui-même, peut- être de peur qu’un autre ne le fît, car il n’étoit pas bête, et passoit pour un diseur de bons mots.

Lorsqu’on fit une chambre de justice contre les financiers : « Ah ! disoit-il, ceux qu’on taxera ne m’aideront plus. »

Il faisoit des banquets avec M. de Bellegarde, le maréchal de Roquelaure et autres, chez Zamet et autres. Quand ce vint