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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/33

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au maréchal, il dit au Roi qu’il ne savoit où les traiter si ce n’étoit Aux Trois Mores. Le Roi y alla ; ils menèrent un page à deux, et le Roi un pour lui tout seul : « Car, dit il, un page de ma chambre ne voudra servir que moi. » Ce page fut M. de Racan, dont nous avons de si belles poésies.

Un jour il alla chez madame la princesse de Condé, veuve du prince de Condé, le bossu ; il y trouva un luth sur le dos duquel il y avoit ces deux vers :

Absent de ma divinité

Je ne vois rien qui me contente


Il ajouta :

C’est fort mal connoître ma tante,

Elle aime trop l’humanité


La bonne dame avoit été fort galante. Elle étoit de Longueville.

Avant la réduction de Paris, une nuit qu’il ne dormoit point bien, et qu’il ne pouvoit se résoudre à quitter sa religion, Crillon lui dit : « Pardieu, Sire ! vous vous moquez de faire difficulté de prendre une religion qui vous donne une couronne ! » Crillon étoit pourtant bon chrétien ; car un jour, priant Dieu devant un crucifix, tout d’un coup il se mit à crier : « Ah ! Seigneur, si j’y eusse été, on ne vous eût jamais crucifié ! » Je pense même qu’il mit l’épée à la main, comme Clovis et sa noblesse au sermon de saint Remi. Ce Crillon comme on lui montroit à danser, et qu’on lui dit : « Pliez, reculez. — Je n’en ferai rien, dit-il ; Crillon ne plia ni ne recula jamais. » Se peut-il rien de plus gascon  ? Il refusa, étant mestre-de-camp du régiment des gardes, de tuer M. de Guise ; et quand M. de Guise. le fils, étant gouverneur de Provence, s’avisa à Marseille de faire donner une fausse alarme, et de lui venir dire : « Les ennemis ont repris la ville, » Crillon ne s’ébranla point,