Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/370

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Rien n’a établi jusqu’à présent que Tallemant ait mis à exécution son projet d’écrire les Mémoires sur la régence, qu’il sembloit promettre. Les recherches les plus étendues faites dans toutes les bibliothèques de Paris, et dans beaucoup de collections particulières, n’ont amené aucun résultat.

Dès leur apparition, les Mémoires de Tallemant ont été l’objet d’éloges et de critiques également outrés. Les partisans de ce qu’on est convenu d’appeler le progrès y ont applaudi ; ils ont cru y voir une sorte de niveau passé sur ces hautes existences dont les reflets jettent encore de l’éclat sur notre société moderne. Ceux qui gémissent du bouleversement des idées fondamentales de l’ordre social y ont vu le ravalement de la noblesse et du haut clergé, ainsi que la dégradation des mœurs du vieux temps. et ils ont repoussé avec une sorte d’indignation un livre qui, à leurs yeux, désenchantoit le passé. Les éditeurs n’ont accepté ni ces éloges ni ces blâmes ; ils ont répondu aux uns comme aux autres que si Tallemant a dévoilé de basses intrigues et misérables foiblesses de personnages illustres, il a seulement rapproché de notre vue ce que nous sommes accoutumés à ne considérer que d’un point éloigné. Peintre des scènes vulgaires de la société, il rassemble des traits épars jusqu’ici dans des recueils rarement consultés. Rien dans les récits de Tallemant n’étonnera ceux qui ont quelquefois parcouru les vaudevilles, les ponts- bretons et les chansons dont nos sottisiers fourmillent, où de scandaleuses anecdotes sont reproduites avec un cynisme révoltant, dans des couplets dont ne craignoient pas de souiller leurs lèvres des hommes qui passoient pour polis ; rien n’étonnera ceux qui ont lu attentivement les Amours des Gaules, cette satire attribuée en partie à Bussy-Rabutin, qui renferme beaucoup plus de faits historiques qu’on ne le pense communément La société du dix-septième siècle offre à l’observateur de singuliers contrastes. Des jeunes gens de la cour et de la ville, des femmes de haute qualité, des bourgeoises, se livroient à de honteux désordres ; le vaudeville malin châtioit leur conduite, et quand l’âge avoit amorti les passions, les sentiments religieux reprenoient