Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui doivent toujours être respectées. Les éditeurs ont été au devant de ce reproche ; mais, obligés de supprimer un petit nombre de passages qui dépassoient toutes les bornes, ils se seroient bien gardés de porter plus loin le scrupule. Ils ont mieux aimé encourir le reproche de n’avoir pas été assez sévères que de risquer d’ôter à Tallemant sa physionomie originale, avec son allure cynique, moqueuse et dénigrante. Ce livre ne convient qu’aux hommes faits ; ceux qui le liront feront la part du temps, il seront encore choqués d’une foule d’expressions, de couplets et d’anecdotes, que nous avons dû conserver ; mais ils se souviendront que nos pères n’avoient pas autant de sévérité que nous sur certaines bienséances. Nos poètes dramatiques emploieroient-ils aujourd’hui des expressions qui, du temps de Molière, de Dancourt et de Montfleury, n’effarouchoient personne  ? Tallemant n’écrit que pour ses amis, et avec l’abandon d’une correspondance familière, il amène et il explique ces vaudevilles qui avoient le diable au corps, comme madame de Sévigné le disoit si plaisamment des chansons de Blot, et il raconte en badinant les anecdotes qui les ont inspirés. Aussi Tallemant des Réaux a-t-il plus d’un rapport avec Brantôme et avec Pierre de l’Etoile, écrivains que, malgré leur crudité cynique, on n’a jamais pensé à exclure des bibliothèques… » (Monmerqué, Ibid )


§ 3 Tallemant raconté par lui-même.

J’étois encore en logique, quand Louvigny, mon parent, me mena à la campagne voir ses sœurs. Je ne les avois jamais vues chez elles ; je songeois la nuit avant que de partir, que je devenois amoureux de l’aînée. C’étoit une veuve qui, quoique petite et de l’âge de trente ans, ne laissoit pas que d’être fort jolie. Plusieurs personnes avoient soupiré pour elle ; mais on n’avoit