Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Là je me renflammai quasi, car la pauvre femme me vouloit rattraper. En Berry il fut question de voir si je devois écrire à cette autre veuve qui étoit mariée. Tallemant, qui tout le long du chemin m’avoit conté ses bonnes fortunes de Languedoc, et que je prenois pour un héros en galanterie, me fit écrire contre mon avis, et chargea un si habile homme de rendre ma lettre en main propre, que le mari la reçut au lieu de la femme, et toute ma galanterie s’en alla au diable

Je cajolai un peu la fille d’un gentilhomme, voisin de madame d’Harambure ; après nous allâmes voir madame Bigot, à Argent, où je m’épris terriblement de mademoiselle de Mouriou. Ils me faisoient la guerre, qu’en un bal, quand je lui tenois la main, je mettois mon chapeau dessus, de peur qu’on ne s’en aperçut, cl qu’une fois je m’endormis quasi sur son épaule. J’étois pourtant bien amoureux, et en revenant je songeai tant à elle, toute la nuit, que je ne fis que parler et que pleurer et me plaindre jusques au jour.

Me voilà revenu à Paris. je fis des vers sur mon absence car j’en tins encore un mois durant pour mademoiselle de Mouriou. On me les fit lire chez la veuve, où étoit l’abbé de Cérisy, à qui j’avois donné bien du relâche ; il les loua fort. Or, la petite fille que j’avois quittée, et cette autre, à qui Tallemant m’avoit fait écrire si à propos, s’y rencontrèrent ; elles étoient parentes de la veuve. La veuve, comme chacune d’elles, croyoit que c’étoit pour elle que j’avois fait ces vers dans mon voyage : car toute femelle aime à être aimée. Cela me servit auprès de ma veuve, elle s’imagina que je ne l’avois pas oubliée ; et, un jour, à propos de je ne sais quoi, elle me dit : « Cela n’est pas si vrai, qu’il est vrai que je suis votre servante » Nous voilà mieux ensemble que jamais. Ce fut de ce temps-là qu’elle me conta combien l’abbé étoit jaloux : « Il ne me demande qu’un peu d’amitié et il lui arrive souvent de pleurer auprès de moi ; il ne parle jamais de vous. » Je m’aperçus bien, à son discours, que les amants qui prétendent si peu de chose ne sont pas les mieux reçus ; d’ailleurs on avoit là- dedans une certaine opinion qu’il